José & Maël NADAN
José Nadan, installé au Faouët, a commencé l’apiculture dans les années 80.
Maël Nadan s’est installé au printemps 2019 en reprenant la moitié de l’exploitation de José, son père.
Avec leurs 300 ruches chacun, ils produisent surtout un miel d’été. Leurs ruchers au Sud du Faouët donnent un miel au goût prononcé issu du châtaignier, ceux du Nord un miel plus clair issu des ronciers, trèfles et autres petites fleurs sauvages.
Sur la colline de Kercadoret, le bâtiment apicole des Nadan. Espace de stockage et de réparation du matériel, le hangar abrite également la miellerie.
La quantité de miel récolté varie d’une année à l’autre. A l’époque où José avait 500 ruches, son chiffre annuel environnait les 10 tonnes. Maël avec ses 300 ruches vise les 7 tonnes pour 2019.
José est natif de la région, il a choisi d’y installer ses ruches pour la qualité du territoire : « Je voulais un coin assez préservé. Autour du Faouët on est dans un secteur assez vallonné, il y a des communes où les remembrements on été assez dévastateurs, mais certaines zones qui n’étaient pas intéressantes au niveau agricole ont été préservées, comme ici. »
L’Ellé, cours d’eau qui traverse la vallée du Faouët.
« J’avais un besoin de concret, de travailler avec mes mains, de travailler dehors. »
José Nadan a commencé l’apiculture il y a quarante ans. Comme beaucoup de gens à l’époque, il possédait quelques ruches, l’apiculture était facile et la production de miel florissante. C’est dans ce contexte qu’il a décidé d’en faire son métier. « Il pouvait y avoir des mortalités, on pouvait perdre des ruches mais ça restait très ponctuel. ça n’était pas des mortalités comme on a maintenant, où tout au long de l’année on retrouve des ruches orphelines, des ruches bourdonneuses.»
De son côté Maël a travaillé dix ans dans l’informatique avant de revenir à ce qui a bercé son enfance : « L’apiculture est un métier qui me convient mieux. Je ne me vois plus aller passer des journées enfermé dans un bureau. J’avais un besoin de concret, de travailler avec mes mains, de travailler dehors. Il y a l’aspect saisonnier également, l’été on fait des grosses journées et l’hiver on est plus tranquille. Je trouve que c’est un plus beau et noble métier. »
« Pour me concentrer sur l’apiculture (…) je me suis tourné vers La Ruche Celtique. »
Ils vendent tous les deux leur production annuelle à La Ruche Celtique, que Maël a connu par l’intermédiaire de son père. Même si ce dernier connaissait la coopérative depuis ses débuts en 1984, il n’a pas toujours vendu sa production par ce circuit. « A l’époque où la coopérative a démarré il y avait moins de problème de production mais des problèmes de commercialisation. Donc des apiculteurs avaient fait le choix de se regrouper, comme à La Ruche Celtique pour attaquer certains marchés. De mon côté, j’avais crée un musée pour faire venir le public qui était curieux de voir le fonctionnement des abeilles, ce qui me permettait de vendre au détail. Après plusieurs années, j’ai vendu ma partie commercialepour me concentrer sur l’apiculture, il fallait que je trouve de nouveaux débouchés, donc je me suis tourné vers la Ruche Celtique. Cela montre aussi l’évolution de l’apiculture, à cette époque on produisait plus facilement, il y avait même une surproduction de certains miels en France et les prix étaient relativement bas. Chacun cherchait un peu des moyens de vendre. »
« Le changement s’est fait progressivement, ça a commencé à s’aggraver au milieu des années 90, ce qui correspond à l’arrivée des néonicotinoïdes. »
Aujourd’hui les problèmes de commercialisation ne sont plus les mêmes, mais c’est surtout la production qui posent des difficultés aux apiculteurs. José a vu arriver ces problèmes et peut en témoigner : « Le changement s’est fait progressivement, ça a commencé à s’aggraver au milieu des années 90, ce qui correspond à l’arrivée des néonicotinoïdes.Au débutla Bretagne a peut-être été moins touchée que les autres régions, parce que les dégâts les plus importants ont été d’abord sur les tournesols avec le gaucho. Cela a provoqué beaucoup d’hécatombes. En Bretagne ont avait le maïs qui faisait des dégâtsvia le pollen que les abeilles ramenaient mais ce n’était pas autant que le tournesol. C’est allé en s’aggravant, à mesure que les surfaces de semences traitées ont augmentées. Ils ont commencé à faire un peu d’orge gaucho, puis du blé, pour finir il n’y avait pratiquement plus que de l’orge gaucho. D’année en année la situation s’est empirée. »
Au printemps 2018, moment où Maël fini sa formation en apiculture, les apiculteurs bretons tirent la sonnette d’alarme face à une mortalité des abeilles sans précédent. Malgré les difficultés, Maël décide de s’installer et d’y croire. « Quand il y a eu les grosses mortalités et les manifestations au printemps dernier, ça m’a mis un petit coup, je me suis posé des questions. Je pense que je peux réussir à en vivre quand même. Mais cela demande d’intégrer le renouvellement du cheptel beaucoup plus qu’auparavant. Avant ça se faisait presque naturellement, maintenant tu es obligé de prévoir, d’intégrer dans ton plan le fait de compenser les pertes. Aujourd’hui c’est un métier plus technique, plus pointu. »
« Avant on était producteur de miel, maintenant il faut être éleveur. »
José confirme que les mortalités d’abeille ont changé progressivement les pratiques apicoles :
« Avant on était producteur de miel, maintenant il faut être éleveur. Si tu n’es pas éleveur, il n’y a pas de production. C’est moins dramatique quand on est installé depuis longtemps, et qu’on a pas de soucis de trésorerie. On a fait moins de miel automatiquement l’année dernière. J’ai racheté un peu d’essaims pour pallier la mortalité, ce que je ne faisais pas habituellement. Là on a refait des essaims à nouveau en prévision d’éventuelles pertes. C’est plus facile de faire des essaims quand on a un bon cheptel que quand on a presque tout perdu. »
Aux problèmes de pesticides s’ajoutent ceux liés aux désordres climatiques, la sécheresse mais aussi les changements de températures plus chaotiques. « Le changement climatique peut faire évoluer les pratiques. En Bretagne on est une région qui est assez tempérée, assez humide, même si on a quelques degrés de plus je pense que ce ne sera pas aussi rapide et radical comme ça peut l’être dans le sud où dans les régions qui étaient déjà sèches au départ. Ce qui change et qui peut compliquer les saisons, qui demande une adaptation, c’est qu’il y a des floraisons qui arrivent parfois plus tôt. »
« Si le syndicat n’avait pas été là, il n’y aurait eu personne pour dénoncer ces pertes. »
Les problèmes de mortalités, José les connait bien. A ses années de métier s’ajoute son implication syndicale, il a été pendant une dizaine d’années président du SAPB. C’est aussi lui qui a initié le convoi mortuaire des apiculteurs au départ du Faouët en avril 2018 pour alerter les pouvoirs publics sur les mortalités. « Le syndicat a vraiment montré son utilité l’année dernière au moment des pertes. Si le syndicat n’avait pas été là, il n’y aurait eu personne pour dénoncer ces pertes. Tous les autres organismes étaient très discrets là dessus. Les représentants des apiculteurs professionnels qui ont eu des pertes, ont été négocier auprès de la région et de l’Etat. Ce qui a permis d’obtenir des aides. Elles n’ont pas compensé les pertes de cheptels mais ça a permis de garder la tête hors de l’eau quelques mois de plus. Il y avait quelques jeunes qui étaient tellement déprimés, qui avaient presque tout perdu. Ils venaient de perdre l’outil de travail sur lequel ils fantasmaient peut être depuis des années avant de s’installer. On a aussi vu l’utilité du syndicat en tant que soutien moral. Je pense que si on avait pas été là, s’il n’y avait pas eu un regroupement des personnes qui ont eu des pertes, ils auraient été bien seuls dans leur coin. Le fait de voir qu’il y en a d’autres qui sont dans le même cas que toi, permet aussi de déculpabiliser ceux qui pensent qu’ils ont mal fait. »
« Face aux difficultés il y a eu une évolution des mentalités, il y a pas mal de jeunes prêts à s’entraider et à partager des techniques. »
Pour José, les difficultés que traverse l’apiculture on changé aussi les rapports entre les producteurs : « La génération avant la mienne avait une certaine mentalité, puisqu’ils vivaient très bien, ils restaient sur leurs acquis et ne partageaient pas trop. Face aux difficultés il y a eu une évolution des mentalités, il y a pas mal de jeunes prêts à s’entraider et à partager des techniques. D’ailleurs les difficultés qu’il y a eu l’année dernière ont provoqué une relance du syndicat, le nombre d’adhérents a presque doublé. »
Maël confirme : « Aujourd’hui ça aide d’être dans des groupes tels que les syndicats. Ne serait-ce que pour échanger des techniques, pour l’élevage par exemple. C’est important aujourd’hui d’échanger avec les collègues, d’avoir du réseau, pour se soutenir moralement ou pour créer des systèmes d’achats groupés par exemple »
« C’est le plus beau métier du monde (…) Tu cultives la nature mais tu ne peux pas vraiment l’exploiter. »
Malgré l’incertitude qui a gagné le métier, les Nadan restent des apiculteurs passionnés. José qui approche bientôt la retraite, ne dégage pas l’once d’une lassitude à l’égard de son activité : « J’y vais sans difficulté. C’est un travail mais ce n’est pas un travail à l’usine. Les tâches sont différentes au cours de la journée et l’activité varie tout au long de l’année. D’une ruche à l’autre l’intervention n’est pas toujours la même, il faut sans cesse se remettre en question, c’est passionnant. »
Maël qui commence tout juste est lui aussi certain de continuer : « J’ai grandi là dedans. Pour moi, c’est le plus beau métier du monde. C’est une forme d’agriculture qui n’est pas encore industrialisée. Tu cultives la nature mais tu ne peux pas vraiment l’exploiter. »