Joël CATHERINE

Joël CATHERINE

Apiculteur à Mellionnec(22), Centre Bretagne, Gérant de La Ruche Celtique

Les 400 à 450 ruches de Joël Catherine sont réparties sur une quinzaine de ruchers au cœur du Centre Bretagne.

Il y a quarante ans, il a posé ses premières ruches dans le secteur de Gourin. Il est ensuite remonté vers Mellionnec pour s’installer dans un secteur plus favorable au métier « J’avais remarqué que les abeilles s’y développaient mieux et les étaient récoltes meilleures grâce à la végétation et au climat. On est dans un secteur plus humide et très variés, il y a des grandes cultures mais aussi des coins très sauvages ce qui fait qu’elles peuvent butiner toute l’année. »

Il a commencé en achetant une cinquantaine de colonies à la fin des années 70. Puis de divisions en pièges d’essaims il a monté assez rapidement un cheptel de trois à quatre cents ruches, tout en se formant auprès d’apiculteurs locaux. « Il y avait un apiculteur à Motreff qui avait travaillé en tant qu’ouvrier agricole dans une grosse exploitation du Jura. J’allais le voir régulièrement on passait des soirées ensemble où il me parlait de ses ruches ». 

Maintenant, Joël est un peu un vétéran de l’apiculture bretonne, il a connu la belle époque du métier et les débuts de La Ruche Celtique dans les années 80. Il en est aujourd’hui le gérant mais il n’a jamais quitté le travail sur ses ruches.

Joël et son fils Lénywan durant la récolte de 2019 dans un rucher

« Cette sensibilité à la nature c’est mon grand père qui me l’a transmise. »

Joël est issu d’une lignée de paysans bretons, alors quand on lui demande pourquoi il s’est tourné vers l’apiculture, il remonte à son enfance : « Je voulais un statut d’exploitant agricole pour acheter du terrain. Je n’ai pas envisagé autre chose que l’apiculture même si ne je pensais pas avoir de lien avec ce domaine. Plus tard je me suis souvenu que quand j’étais tout petit, mon grand père me baladait dans les champs, il taillait des cales dans des branches de noisetiers, il s’arrêtait voir les hannetons et les essaims d’abeilles dans les arbres. Il prenait le temps d’observer et de vivre avec la nature. Quand il allait voir les vaches dans les champs, il les regardait toutes et quand il parlait d’une vache il prononçait son nom, il ne disait pas « une vache », mais « myrtille ». Il y a une chose qui me revient souvent, c’était à l’époque des remembrements, il me tenait par la main, on allait voir le résultat des bulldozers. Il était choqué, et ce sentiment là il nous la transmis. C’était une destruction de son monde, du monde dans lequel il avait vécu. Lui qui n’avait jamais conduit un tracteur, il a vu les derniers chevaux quitter la ferme. Cette sensibilité à la nature c’est mon grand père qui me l’a transmise. »

« Si les abeilles vont bien c’est que l’environnement est favorable à la vie. » 

Ce contact avec l’environnement, il le retrouve et le comble avec ses abeilles :

« C’est un métier passionnant lorsque l’on s’intéresse à la nature. Quand on ouvre l’intérieur d’une ruche en regardant ce qu’elles ont récolté, notamment le pollen, on a une vision du voisinage à deux, trois kilomètres à la ronde. On découvre les couleurs de pollen différents, on est en prise direct avec l’événement naturel, ça c’est très entraînant. Après il y a toute la vie des abeilles, la vie des colonies elles-mêmes.

On peut démarrer avec des colonies faibles, très fortes ou moyennes. On sait comment elle vivent, comment elles se développent mais il n’y a pas deux années pareilles. Les interventions que l’on va faire sur les ruches ne sont pas écrites sur un calendrier, c’est un travail que l’on va faire au jour le jour. Et ça c’est intéressant en soi parce que c’est la découverte permanente, c’est un milieu complètement vivant et qui bouge tout le temps. On est en prise avec la vie et si les abeilles vont bien c’est que l’environnement est favorable à la vie. »

 « Les gens pensent qu’il est facile d’avoir des ruches et d’en faire un métier mais ils ne s’imaginent pas toutes les contraintes avant d’avoir pratiqué. »

Cette exaltation du contact avec la nature qu’offre le métier n’est pas gratuite. Là dessus Joël tient a préciser :

« Il faut avoir de bonnes conditions physiques. C’est un travail où on peut avoir du temps libre à la fin de l’automne jusqu’au début du printemps mais tout le reste de la saison on est sous tension. Et le métier a principalement évolué vers plus de travail, plus de technicité et beaucoup plus d‘astreinte auprès des ruches en raison de l’évolution des techniques agricoles, de l’usage des pesticides et maintenant du changement climatique qui influe sur le rythme des abeilles. Les gens pensent qu’il est facile d’avoir des ruches et d’en faire un métier mais ils ne s’imaginent pas toutes les contraintes avant d’avoir pratiqué et le travail que ça demande. Donc au final, il reste les plus motivés en activité, les autres ont abandonné en cours de chemin, souvent parce que leurs ruches sont mortes. »

« Il faut apporter énormément de soins aux colonies, si les soins ne sont pas là, on va avoir des colonies qui vont mourir. »

Aujourd’hui du fait de la médiatisation des problèmes environnementaux, l’apiculture a le vent en poupe. Le milieu amateur se développe, de multiples formations express ont vu le jour, les ruches se sont même multipliées sur les toits des villes parfois jusqu’à saturation. Cet effet de mode Joël le regarde avec un peu d’appréhension : « On est un peu inquiet au niveau professionnel, on ne sait pas si cela peut rapidement devenir des foyers de maladies. Il faut apporter énormément de soins aux colonies, si les soins ne sont pas là, on va avoir des colonies qui vont mourir. Il est possible qu’elles meurent de maladies contagieuses et qu’elles les développent dans tout le voisinage. »

« C’est grâce au travail collectif de l’époque que la Ruche Celtique existe maintenant. »

Quand Joël a rejoins la Ruche Celtique au début des années 80, elle venait à peine d’être crée. Lui, avait déjà son réseau commercial. Il faisait les marchés mais livrait aussi un réseau de magasins diététiques en région parisienne et des coops bio en Bretagne en tant qu’adhérant à Nature et Progrès. A l’époque La Ruche Celtique était un GIE, un groupement d’apiculteurs bretons dont le but était d’attaquer le marché de la grande distribution. Joël, sollicité par un collègue, assiste à certaines de leurs réunions, et y adhère quelques années plus tard. Le groupement prend alors la forme d’une SICA. « On était 9 membres fondateurs, dont 6 apiculteurs cogérants. Au bout de 6 mois d’activité on a fait un bilan, les 5 autres cogérant ont démissionné pour me laisser seul gérant. Ça n’était pas prévu quand je me suis lancé dans l’apiculture, c’est le hasard. »

« On a décollé nos ventes à partir du moment où il y a eu le phénomène de la vache folle parce que les gens ont commencé à s’interroger sur ce qu’ils achetaient et à regarder la provenance. »

Il est devenu seul gérant mais c’est à plusieurs qu’il ont réussi à monter la coopérative et à faire de la place aux producteurs locaux dans les rayons des grandes enseignes. « Chaque apiculteur breton avait un secteur à prospecter pour chercher des magasins. C’est grâce au travail collectif de l’époque que la Ruche Celtique existe maintenant. C’était un moment où la grande distribution ne voyait pas l’intérêt de vendre des produits locaux. Ils pensaient que ça n’intéressait personne. Mais on était jeune et dynamique et on avait pris les devants sur pas mal de choses : on avait crée un logiciel sur mesure pour gérer les livraisons, on avait un télécopieur avant la mairie du bourg, on avait des codes barres sur nos pots avant qu’ils aient des caisses de lecture laser en magasin…On a toujours réussi à vendre à peu près au prix où on le voulait. Dans les années 90, les prix des miels étaient bas, on se collait au marché pour pouvoir vendre mais on a réussi à augmenter nos prix jusqu’à un prix correct pour qu’on puisse en vivre. On a décollé nos ventes à partir du moment où il y a eu le phénomène de la vache folle parce que les gens ont commencé à s’interroger sur ce qu’ils achetaient et à regarder la provenance. Les produits locaux ont donc commencé à se développer, ce phénomène ne s’est pas arrêter depuis. »

Joël considère La Ruche Celtique comme un outil avantageux pour les apiculteurs, ils peuvent ainsi se concentrer sur leur production. « On a jamais eu a démarcher les apiculteurs ça c’est toujours fait de bouche à oreille. Le milieu de l’apiculture est très petit, quand on a mis le pied dedans on connaît vite toute le monde. »

Joël est adhérent au SAPB (Syndicat des Apiculteurs Professionnels Bretons) depuis les années 70, il en est aujourd’hui le trésorier. « Le rôle du syndicat est de défendre les intérêts des adhérents et de la profession. Au début il avait plutôt un rôle convivial où on se retrouvait entre apiculteurs au moins une fois par an à discuter autour d’un pot. Mis à part des problèmes de législation commerciale, on avait pas beaucoup de choses à régler. Maintenant le syndicat a pris de l’importance depuis les mortalités dues aux pesticides. On doit défendre la profession face aux instances officielles pour mettre en évidence la pollution chimique notamment. »

« Ce que tu voulais quitter tu le retrouves dans tes ruches. »

A l’époque où Joël a commencé l’apiculture, on parlait déjà d’écologie, la société de consommation était déjà prise pour responsable de la destruction de l’environnement. Pour Joël le temps semble avoir fait une boucle et la situation s’est empirée. « Je me suis installé dans les années 70, dans un contexte où la population en général était un peu plus informée du fait politique. Il y eu des événements importants comme les révoltes étudiantes aux USA avec la guerre du Vietnam. Il y a eu ce qu’on a appelé la révolution hippie, qui était une contestation de la société de consommation. Tout ça a rejailli en Europe, notamment en France par mai 68. Par la suite il y a eu différentes secousses comme la révolte des lycéens en France contre la loi Debré au sujet du service militaire. Dans tous ces mouvements là il y a eu ce qu’on a appelé un retour à la nature, du fait de la société de consommation. J’étais dans ce contexte, j’ai évolué à travers ça. Ce qui est assez étonnant c’est qu’au départ on quittait le système de production global pour rechercher des nouveaux modes de vie et on s’est retrouvé dans les années 90 en lutte contre les plus grosses sociétés au monde c’est à dire Monsanto et Bayer qui venaient tuer nos abeilles. C’était assez curieux comme chose de quitter la société de consommation et de se retrouver en face des pires entreprises, ce que tu voulais quitter tu le retrouves dans tes ruches. »

« Ce métier devient quelque part un élément de contestation »

Mais ce constat ne le fait pas abandonné pour autant, pour lui le métier d’apiculteur est un rôle clé dans la défense de l’environnement : «C’est prendre le contre pied d’une évolution sociale qui produit, qui consomme beaucoup en faisant beaucoup de destruction de la nature, en polluant les sols. Dans ma famille, quand l’agriculture intensive est arrivée, on a du très rapidement arrêter de boire l’eau du puit parce qu’elle n’était plus potable. On a tout pollué. Le fait de faire de l’apiculture c’est le fait de mettre en évidence cette pollution. On le voit à chaque fois qu’il y a des grosses mortalités d’abeilles, quand on cherche la cause c’est quand même la pollution chimique des plantes. Donc ce métier devient quelque part un élément de contestation. »

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