Jonathan CORMIER
Apiculteur à St Senoux (35), Vente en direct sous l’appellation la « Miellerie des Vallons de Vilaine » et à La Ruche Celtique.
Il possède près de 330 ruches dédiées à la production de miel. Il pratique aussi l’élevage de reines et la production d’essaim. Au total il veille sur 600 à 700 ruches et ruchettes.
Au printemps il récolte un miel d’aubépine, de pissenlit, de colza et de toutes les fleurs spontanées du mois d’avril. En été c’est le miel de roncier, châtaignier et de trèfles qui est récolté. Pour compléter sa gamme, Jonathan fait aussi de la transhumance. Chaque année il emmène ses ruches pour trouver de l’acacia dans le Loir et Cher, du tilleul dans l’Oise et aussi du sarrasin en Ille et Vilaine et Pays de la Loire.
« C’est agréable de transhumer (…) c’est un moment où l’on se fait plaisir, on va chercher autre chose que notre train train quotidien. »
Pour les transhumances il s’organise avec trois autres apiculteurs locaux: « C’est enrichissant parce qu’avec cette démarche on a beaucoup collaborer avec d’autres apiculteurs. Il y a une entraide naturelle qui s’est mise en place et une convergence d’intérêts sur le fait d’aller un petit peu à l’aventure. On a eu des moments assez folklorique et heureusement qu’on est plusieurs. D’une part c’est agréable de transhumer, mis à part la fatigue liée à l’activité, mais c’est un moment où l’on se fait plaisir, on va chercher autre chose que notre train train quotidien. De l’autre on est content de proposer à des gens qui achètent notre miel, des produits qui sont faits par nous mais qui ne viennent pas d’ici.»
En plus du miel, la Miellerie du Vallon propose aussi du pollen frais consommé pour ses vertus thérapeutiques, et un peu de gelée royale.
« Dans tous mes calculs je me suis littéralement planté. J’ai mis douze ans pour accéder à mon objectif »
Jonathan a connu l’apiculture d’abord en loisir avec son père. Ce n’est que bien plus tard, durant une période de chômage, alors à la recherche d’une activité qui lui convient, qu’il songe à devenir apiculteur. «C ‘est une activité que j’avais gardé en amateur. J’ai calculé combien de production il me fallait pour faire un salaire, combien de ruches il fallait pour faire tant de kilos et combien de temps il fallait pour faire tant de ruches. Au début mon objectif était de monter un cheptel de 400 ruches en production avec l’idée d’embaucher. Dans tous mes calculs je me suis littéralement planté. J’ai mis douze ans pour accéder à mon objectif. »
« C’est une région pauvre au niveau agricole où il y a beaucoup de Landes avec des terres incultes. C’était une tradition familiale d’avoir des ruches ici. »
Il s’est installé en 2007 à St Senoux, un secteur valloné traversé par les méandres de la Vilaine et propice à l’apiculture. « C’est une région pauvre au niveau agricole où il y a beaucoup de Landes avec des terres incultes. C’était une tradition familiale d’avoir des ruches ici. »
Il commence son activité avec les cents ruches qu’il avait constitué en amateur. « Ce qui est très très risqué parce qu’il suffit d’avoir une perte de 20 à 30 % pour que ce soit très difficile de remonter. » Sa première année d’activité fût très mauvaise pour l’apiculture bretonne, en raison d’un climat déplorable. « Pour moi ça a été très compliqué avec notamment l’expérience qui me manquait pour réagir à cette situation là. J’ai perdu beaucoup de ruches et j’ai mis du temps à m’en remettre »
Dans la foulée, il envisage de passer son exploitation en bio. « Je me suis pris les pieds dans le tapis. Pour être en bio déjà il faut être entouré de gens qui savent faire du bio, c’est une affaire de partage et d’échange. Sauf qu’en Ille et Vilaine à cette époque là, nous n’avions pas de producteurs en bio. J’étais un peu tout seul dans mon coin à essayer de faire quelque chose de prétentieux. Je le considère comme tel au vu de ce que je savais faire à l’époque. »
« J’ai pris le parti de travailler selon des méthodes éprouvées. »
A force de perdre trop de ruches, il décide de faire marche arrière au bout de 3 ans. « C’était une question de principe, donc je me suis assis sur ce principe là. J’ai arrêté de faire du bio dans l’idée qu’un jour en milieu ou en fin de carrière je m’autoriserai à faire ce pas sereinement et sans avoir à stresser chaque matin de ce qui me restera comme ruches. J’ai pris le parti de travailler selon des méthodes éprouvées. J’ai rencontré pendant ces premières années d’installation, beaucoup d’amis apiculteurs qui m’avaient laissé apparaître que certaines méthodes fonctionnaient assez bien. »
« Je crois en une agriculture familiale. Je pense qu’avec 400 ruches on y est encore. »
Jonathan a quasiment atteint son objectif de 400 ruches en 2019. « Je crois en une agriculture familiale. Je pense qu’avec 400 ruches on y est encore. On commence à être dans le vrai et ça commence à être intéressant de faire de l’apiculture. Je pense qu’il ne faut pas envisager de faire de l’apiculture avec moins c’est le minimum pour une petite entreprise apicole. Sachant que pour ça il faut quand même avoir de la main d’œuvre en saison , à moins d’être super costaud, mais il faut savoir aussi se préserver.»
Quand Jonathan a commencé son activité, les problématiques liées aux mortalités existaient déjà. Le renouvellement du cheptel d’une année à l’autre est alors devenu une pièce maitresse du métier. Jonathan a eu la chance de se former chez des apiculteurs chevronnés qui maîtrisaient l’élevage.
« Sur les pertes, j’ai toujours considérer qu’on ne descendrait pas plus bas, sinon ça n’est pas la peine. Chaque année c’est la même chose, on a une partie du cheptel qui meurt et des colonies qui ne se remèrent pas. Plutôt que de contempler l’effet du hasard et de ce qu’on ne maîtrise pas, l’environnement, la météo et les méthodes agricoles aux alentours, je me suis attelé à produire plus de reines, plus d’essaims. Ça porte ses fruits même si ce n’est pas une solution miracle parce que ça veut dire qu’on fait abstraction du problème. Maintenant on a à peu près 400 ruches en production à cela s’ajoute 200 essaims pour palier aux pertes hivernales et 100 nucleis pour la fécondation de reines. Ça fait quand même 600 à 700 colonies à visiter ! C’est pour ça que j’ai pris le parti d’être suppléé avec un salarié qui est avec moi depuis 3 ans ans, sans qui je n’en serais certainement pas là.»
« Le facteur décisif dans une installation ce n’est pas sa technicité ou ses moyens, c’est l’entourage. »
En terme de charge de travail, l’apiculture est un métier éprouvant, là dessus, Jonathan prévient : « Parfois il faut avoir les nerfs solides. Il m’est arrivé de m’écrouler à genoux et de pleurer dans mes ruchers parce que ça ne marchait pas. Il faut être soutenu par sa famille et il faut être motivé. J’en étais conscient en commençant mais j’avais une vue un peu erronée de ces difficultés. J’ai commencé mon expérience dans une exploitation où il y avait 900 ruches, ça pissait du miel, c’était une belle année. Je me suis dit qu’il n’y avait qu’à faire des calculs et y aller. Mais ça ne marche pas comme ça, il y a une expérience de l’apiculture qui est primordiale et je ne seurai conseiller aux débutants de passer par une phase de salariat. Le facteur décisif dans une installation ce n’est pas sa technicité ou ses moyens, c’est l’entourage. C’est comment les gens autour acceptent l’idée que pendant un, deux ou cinq ans on n’arrive pas à en tirer un revenu. On est obligé de prioriser entre s’investir dans l’élevage ou dans la construction d’une maison par exemple. »
« S’ils ont fait des choix qui les ont amené à l’utilisation des pesticides, il faut essayer de comprendre pourquoi. »
Face aux problèmes de mortalités des abeilles en lien avec les pratiques agricoles, Jonathan a pris le parti de la discussion avec les agriculteurs locaux. « J’ai des partenariats avec des gens qui sont en conventionnel. Je m’entend assez bien avec eux, parce que moi même je suis en conventionnel. Je comprend leurs problématiques et j’essaie de leur expliquer les miennes. Il ne faut pas hésiter à faire la comparaison entre nos abeilles et leurs vaches. Leur dire : « Si je devais mettre des mines anti personnels dans ton champs est ce que ça te paraîtrait soutenable ? ». Mais il faut rester courtois et bienveillant avec eux, ils font aussi un métier très dur. S’ils ont fait des choix qui les ont amené à l’utilisation des pesticides, il faut essayer de comprendre pourquoi avant de commencer à leur reprocher. Je vois que les mœurs en matière agricole évoluent dans la façon de percevoir l’abeille. Les particuliers étant de plus en plus au courant des déboires de l’apiculture et du problème agricole en France et les agriculteurs sont sollicités par les particuliers. Ils sont de plus en plus à s’orienter vers la vente directe et plus ils ont à faire aux clients, plus ils sont poussés à faire attention à ce qu’ils font. »
« L’image de l’apiculture est très bonne aujourd’hui, ce n’est pas le moment de commencer à la vendre à des groupes industriels qui voudraient un peu redorer leur blason »
« Puis il y a les gros businessman qui eux s’amusent avec leur image et n’en n’ont pas grand chose à faire. C’est de ceux là dont il faut se méfier, pour éviter de se retrouver lié à des intérêts qui nous dépassent avec des moyens qui nous dépassent au détriment de note image. L’image de l’apiculture est très bonne aujourd’hui, ce n’est pas le moment de commencer à la vendre à des groupes industriels qui voudrait un peu redorer leur blason parce qu’ils sentent la pression de l’opinion publique.»
« Certaines personnes n’aiment pas le miel parce qu’ils ont goûté des mauvais miels. »
Jonathan fait principalement de la vente en direct sous l’appellation la « Miellerie des Vallons de Vilaine ». Depuis peu il vend une partie de sa production à la Ruche Celtique qu’il a connu par l’entremise d’un collègue apiculteur. « Le jour où j’avais suffisamment de miel pour approvisionner en circuit court, ça m’a paru pertinent de le vendre à une coopérative bretonne qui porte mes valeurs commerciales. Ce qui fait le plus de tort à l’apiculture aujourd’hui c’est le fait que l’on propose dans une gamme d’épicerie plus de miels de l’étranger que des miels français. D’une part ça ne répond pas à la demande des clients et de l’autre ça fait entrer du miel de mauvaise qualité ce qui lui donne une mauvaise image. Certaines personnes n’aiment pas le miel parce qu’ils ont goûté des mauvais miels. Il y a aussi des miels qui ne le sont pas, les miels de Chine on peut les soupçonnés d’être des miels fabriqués de toute pièce. »
« On est bien considéré par rapport à l’action qu’on fait dans le territoire rural.(…)Nous sommes des observateurs privilégiés de l’état de la biodiversité. »
Malgré les difficultés du métier, Jonathan y reste attaché . « Le fait de travailler en apiculture est un métier gratifiant. On est bien considéré par rapport à l’action qu’on fait dans le territoire rural. Les gens savent que sans insectes pollinisateurs on aurait pas toutes sortes de fruits et légumes. Nous sommes des observateurs privilégiés de l’état de la biodiversité. Au travers de nos ruches on a une perception de la flore disponible dans des milieux sauvages même des milieux ruraux et polyculturels. On sait ce qui fleurit, on sait ce qu’il se passe. Dans mon quotidien je ne m’ennuie jamais : le lundi je peux faire de la soudure, le mardi des livraisons, le mercredi de la comptabilité ou rester avec mes enfants, le jeudi de l’élevage… Toute la saison il y a des opérations qui se suivent mais qui ne se ressemblent pas, on a pas l’impression d’être dans une routine. »